Le marché automobile algérien continue d'être un champ de mines pour le consommateur algérien qui rêve d'acquérir une voiture à un prix raisonnable. Une fois de plus, nous assistons à une flambée des prix des voitures les moins chères du marché due aux spéculateurs sur les sites de vente de voitures ou les pages Facebook, ce qui a provoqué la colère et l'inquiétude des citoyens, qui exigent des autorités compétentes de prendre des mesures plus strictes pour endiguer ce phénomène qui a toujours pesé sur l'acheteur algérien.

Des prix absurdes pour les voitures les moins chères du marché

Les spéculateurs ont joué un rôle majeur dans l'augmentation des prix des voitures sur le marché. En première ligne, on trouve les voitures chinoises importées, et plus particulièrement celles qui étaient connues pour être les moins chères du marché. Il s'agit ici des voitures Chery TIGGO 2 PRO et Geely GX3 Pro. Après avoir été commercialisée par le concessionnaire officiel à des prix à partir de 197 millions de centimes, la Geely GX3 Pro dépasse aujourd'hui les 300 millions de centimes sur le site Ouedkniss. Le plus absurde dans ces prix est que la version haut de gamme de cette voiture est vendue par les concessionnaires à un prix ne dépassant pas 279 millions de centimes.

De même, la Chery TIGGO 2 PRO, après avoir été commercialisée à partir de 199 millions de centimes par le concessionnaire officiel, se retrouve aujourd'hui en vente à plus de 300 millions également. Cela signifie que les spéculateurs ont augmenté le prix des voitures les moins chères de plus de 100 millions, rendant le rêve de nombreux Algériens à moyens et faibles revenus d'acquérir une voiture inaccessible. Les spéculations ne se limitent pas aux marques chinoises, l'année dernière, le prix de la Fiat Tipo a atteint plus de 367 millions de centimes sur le marché, après avoir été vendu à 313 millions de centimes en salle d'exposition.

Il est à noter que les représentants des marques Chery et Geely se sont désolidarisés de ces pratiques. En novembre de l'année dernière, Chery a annoncé une série de mesures pour limiter la spéculation, notamment l'exigence de certains documents et la présence obligatoire lors des achats comme moyen de dissuasion contre les pratiques frauduleuses. De plus, une condition importante a été imposée lors des transactions avec les clients : la signature d'un engagement stipulant que la voiture ne sera pas utilisée à des fins de spéculation. Il est également important de noter que le cahier des charges stipule qu'une seule voiture de chaque marque peut être achetée pendant une période de cinq ans.

Causes de la prolifération de la spéculation sur le marché automobile algérien

Parmi les principales causes de la propagation de ce phénomène figurent le rythme actuel lent des importations de voitures neuves, malgré l'ouverture continue que connait l'Algérie. De plus, la surveillance des marchés de l'occasion est difficile, et des méthodes frauduleuses et détournées sont utilisées, comme le dénigrement des voitures neuves et les longs délais d'attente chez les concessionnaires. On trouve ainsi de nombreux spéculateurs présents dans les files d'attente pour les acheter au prix du concessionnaire sous différents noms, et les revendre ensuite à des prix élevés à ceux qui veulent une voiture immédiatement et ne peuvent pas attendre des mois.

L'organisation de protection des consommateurs APOCE a également recensé les agissements des courtiers spéculateurs suivants :

·        Acquisition du plus grand nombre de voitures neuves dans le but de les monopoliser et de créer une rareté (en utilisant plusieurs noms lors des achats).

·        Publication d'un grand nombre d'annonces (fausses et réelles) pour vendre des voitures neuves à un prix +100 millions de centimes par rapport au prix du concessionnaire, la plupart d'entre elles étant des annonces fausses, trompeuses et mensongères, dans le but de semer le doute.

·        Diffusion de rumeurs sur l'indisponibilité d'un nombre suffisant de voitures pour saper la confiance des citoyens.

Efforts pour endiguer le phénomène

La menace de sanctions pénales pèse sur ceux qui se livrent à des activités de spéculation illégale. Le droit algérien prévoit des dispositions contre la manipulation du marché, dont la plus importante est l'article 172 du Code pénal, qui stipule que "toute personne qui, directement ou par l'intermédiaire d'un tiers, provoque une hausse ou une baisse artificielle des prix des marchandises, des biens ou des valeurs mobilières publiques ou privées, ou qui tente de le faire, est coupable du délit de spéculation illégale".

En outre, des instructions strictes ont été données par le ministre de l'Intérieur en septembre dernier à tous les walis pour limiter la spéculation sur les voitures neuves. Ces instructions ont chargé les présidents des assemblées populaires communales (APC) de coopérer avec les chefs de circonscription pour "suspendre de manière immédiate et temporaire le traitement des dossiers d'immatriculation des véhicules neufs achetés en agence".

Auparavant, en août, le ministre de la Justice avait envoyé des instructions à la Chambre des notaires leur demandant de "suspendre temporairement la délivrance de procurations", dans le but d'empêcher les spéculateurs d'utiliser ces procurations pour acheter des voitures au nom d'autres personnes.

Malgré ces efforts des autorités et les mises en garde adressées aux spéculateurs, on constate que les courtiers continuent à manœuvrer et à exploiter les failles en revendant les voitures à des prix multipliés. C'est pourquoi il faut une approche multidimensionnelle qui ne se limite pas à l'application de la loi, mais qui comprenne également des réformes structurelles et une sensibilisation des consommateurs.

Solutions proposées

Face aux perturbations provoquées par les spéculateurs, des voix s'élèvent pour demander des comptes et proposer des solutions à ce phénomène qui a dépassé les bornes. L'organisation algérienne de protection des consommateurs APOCE propose aux autorités des mesures qui pourraient être prises, notamment :

• Que les concessionnaires mettent à disposition un nombre suffisant de voitures neuves.
• Annoncer les dates d'arrivée des voitures en cas de rupture de stock afin de mettre fin aux rumeurs sur la pénurie de véhicules proposés.
• Recenser les courtiers (via les sites d'annonces comme Ouedkniss) dans un fichier national et leur interdire d'acheter des voitures neuves.
• Interdire aux concessionnaires de traiter avec les courtiers connus.
• Ordonner aux sites de vente d'annonces comme Ouedkniss de supprimer toute annonce de vente de voiture neuve provenant du concessionnaire officiel et de signaler les informations du courtier aux services compétents.

En plus de cela, l'APOCE a développé l'application "Echki" qui facilite le dépôt de plaintes auprès de l'organisation, le signalement d'un problème ou même la dénonciation de la corruption et de la spéculation, en offrant la possibilité de localiser géographiquement le lieu de l'infraction tout en garantissant une protection totale des données.

La lutte contre la spéculation sur le marché automobile algérien est une bataille continue qui nécessite des efforts concertés du gouvernement, des concessionnaires automobiles sérieux et des consommateurs. En prenant des mesures strictes pour la combattre et en renforçant la transparence du marché, on peut garantir que les voitures parviennent à leurs propriétaires à un prix juste et à ceux qui en ont réellement besoin, permettant à une plus grande partie de la population algérienne d'y accéder.